Dans le secteur de la musique, on parle souvent de producteurs, et plus généralement de production musicale. Mais c’est quoi au juste ?
À L’ORIGINE, LE COMPOSITEUR
Le compositeur est le terme classique utilisé pour désigner quelqu’un qui créé de la musique. Le compositeur peut écrire la musique sur partitions (Mozart, Beethoven, tu connais), ou composer directement dans un logiciel type séquenceur, comme Cubase, Logic, Ableton Live, Fruity Loops…
En France, on aime bien le terme compositeur, il est compris et reconnu, notamment par la SACEM, qui est l’organisme qui s’occupe de collecter des droits d’auteurs pour les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.
OK, MAIS LE PRODUCTEUR ALORS ?
Le producteur en France possède un rôle un peu plus flou, et n’est pas réellement encadré d’un point de vue juridique.
Dans l’industrie musicale il y a plusieurs types de producteurs :
- Le producteur de spectacle : celui qui supporte tous les frais pour qu’un concert puisse avoir lieu. Il paye les artistes, réserve la salle de spectacle, paye la sécurité…
- Le producteur d’un enregistrement : c’est celui qui paye pour les sessions de studio (ou plus généralement pour le fait d’enregistrer), et c’est donc le propriétaire de l’enregistrement.
- Le producteur musical : terme beaucoup utilisé par les anglos saxons, le producteur au sens musical du terme est un hybride de directeur artistique et de compositeur. Le producteur, c’est celui qui a une vision globale, sur un album, sur un EP, ou même sur un single. Il a des compétences de musicien, il est capable de composer, mais il a également des talents d’ingénieur du son et de directeur artistique. C’est le responsable du concept en quelque sorte, celui qui chapeaute l’ensemble du travail : composition, enregistrement, mixage, mastering…
LE PRODUCTEUR DANS LES MUSIQUES ACTUELLES
Le terme de producteur s’est énormément développé avec l’essor du rap et des musiques électroniques dans les années 1990, et le sens du terme a évolué au fil des années.
Dans le monde du rap, un producteur c’est celui qui créé l’instrumental (« l’instru » dans le jargon) sur lequel le rappeur va poser. Il peut également intervenir sur le travail du rappeur, le guider etc. Mais un producteur rap est avant tout un beatmaker (celui qui fait le beat = l’instrumental, qui sert de support au rappeur). Exemples : Dr Dre (Eminem), Havoc (Mobb Deep), DJ Muggs (Cypress Hill), Pone (Fonky Family), Sully Sefil (NTM)…
Dans la musique électronique, un producteur possède le même rôle que dans le rap, mais il arrive aussi qu’un producteur créé de la musique instrumentale (sans voix). On pourrait l’appeler compositeur, mais on l’appelle plutôt producteur. Ce sont des conventions. En linguistique on dit « l’usage fait la règle ». C’est un peu pareil ici quoi. Exemples : Skrillex, Fred Again, Thomas Bangalter, Ross From Friends, Adam Port…
Et pour finir, un producteur au sens « historique » du terme est une personne qui accompagne un ou plusieurs artistes dans un processus de création et d’enregistrement. Il est à la fois le responsable artistique et technique. D’ailleurs en France on l’appelle aussi « réalisateur ». On connaît par exemple Dr Dre qui a été le producteur d’Eminem pendant de nombreuses années, ou Rick Rubin qui fut le producteur de Rage Against The Machine, Linkin Park, Jay-Z et tant d’autres, ou encore Steve Albini, mythique producteur de Nirvana à la personnalité bien trempée.
D’ACCORD MAIS QUID DE LA PRODUCTION MUSICALE ALORS ?
Et bien la production musicale au sens large désigne tous les aspects du travail de producteur.
C’est-à-dire que c’est un mélange de composition, de travail technique sur le son (enregistrement, mixage et mastering), et de direction artistique.
Pour l’aspect composition et travail du son, un producteur pourra utiliser divers outils pour arriver au résultat escompté :
- Instruments de musique « physiques » (guitares, piano, batterie, voix…)
- Instruments virtuels (Serum, Massive, Noire, Addictive Drums…)
- Logiciel séquenceur / DAW (Ableton Live, Cubase, Logic…)
- Plugins de traitement du son (compresseur, EQ, reverb, saturation…)
- Périphériques hardware de traitement du signal (compresseurs analogiques, EQ à lampes…)
Pour l’aspect direction artistique, le producteur travaille sur un aspect humain, c’est-à-dire :
- Travail du texte avec les auteurs & chanteurs
- Accompagner des chanteurs lors de l’enregistrement des voix (ajout d’harmonies, aide à la mélodie en temps réel, coaching…)
- Guider tout musicien extérieur qui viendrait ajouter un savoir-faire particulier sur un morceau de musique, comme l’ont fait par exemple les Daft Punk quand ils ont demandé à Nile Rodgers de venir jouer de la guitare électrique sur Get Lucky et Loose Yourself to Dance
- Savoir reconnaître quand un morceau de musique part dans la bonne direction, ou quand il emprunte le mauvais chemin. Un producteur guide, redresse, supprime, redessine, et enfin fait en sorte que tous les morceaux qui passent sous sa supervision seront cohérents les uns avec les autres. En somme c’est un chef de projet.
La production musicale, c’est donc l’art d’avoir une idée musicale, et de l’emmener jusqu’au bout, jusqu’à un produit fini, en utilisant les ressources à notre disposition. Certains producteurs travaillent dans plusieurs studios pour réaliser un même album, d’autres travaillent plus simplement sur un seul ordinateur. Chacun fait à sa manière, l’essentiel étant le résultat final.
Tu l’auras compris, le producteur c’est le couteau suisse artistique.
ET MAINTENANT SI ON ECOUTAIT LE TRAVAIL DE PRODUCTEURS RECONNUS ?
Voici une (toute) petite sélection d’albums aux personnalités marquées. Ce sont des albums qui ont été réalisés de main de maître, avec un vrai travail de collaboration entre artistes et producteurs. De réels choix artistiques ont été fait lors de leurs conceptions, et cela s’entend ! En gros, que des bangers quoi.
RAP
EMINEM « The Marshall Mathers LP » (Aftermath / Interscope), 2000
Un chef d’œuvre d’introspection, de beats inspirés et d’émotion brute. Presque un disque de rock en somme. Avec les classiques « Stan » & « The Real Slim Shady » qu’on ne présente plus. En partie produit par le génial Dr Dre.
CYPRESS HILL « Skulls & Bones » (Columbia), 2000
Un double album, une face rap, une face rap-metal. La face rap est très classieuse et mélodique, avec l’utilisation de violons virtuels dans les instrumentaux. La face rap-metal est monstrueuse, énorme énergie et grosses guitares agressives. Avec la participation de membres de Deftones, Fear Factory, Rage Against The Machine… Produit d’une main de maître par DJ Muggs.
MOBB DEEP « The Infamous » (Loud Records), 1995
Un grand classique du rap New-Yorkais. Atmosphère sombre, bienvenue dans le Queens des années 1990. Textes crus, instrus sales, Mobb Deep a défini son univers unique au travers de cet album inspiré. Le titre « Shook Ones Pt.II » deviendra un classique du rap US, et le morceau sera même repris en ouverture du film « 8 Mile » (biopic sur la jeunesse d’Eminem avant son succès). Produit par Havoc, également rappeur du duo.
METAL
DEFTONES « White Pony » (Maverick Records), 2000
Un chef d’œuvre du mouvement néo metal, produit par Terry Date. Un son classieux et atmosphérique, un groupe inspiré, des compositions à la fois puissantes et très mélodiques. Bref un 11/10.
METALLICA « Metallica » (Elektra Records), 1991
Le « black album » de Metallica, qu’on ne présente plus. Produit par Bob Rock, le son est sacrément massif, et les compositions très inspirées. La légende raconte que Bob Rock aurait placé un nombre indécent de micros (+ de 15) autour de la batterie de Lars Ulrich afin d’en capturer toute la lourdeur. On ne saura jamais le pourquoi du comment, mais c’est ce qu’on raconte la nuit dans les sombres tavernes de metalleux, et sur les forums d’ingés sons (ok moins sexy).
BIRDS IN ROW « You, Me & The Violence » (Deathwish), 2012
Produit par le producteur français Amaury Sauvé, cet album retranscrit à la perfection l’urgence et la hargne caractéristique de la musique punk et hardcore. Volontairement sale et parfois brouillon, mais toujours mélodique, l’auditeur est pris dans un tourbillon de sentiments, entre ombre et lumière. Impossible d’en ressortir indemne !
MUSIQUES ELECTRONIQUES
SKRILLEX « Scary Monsters & Nice Sprites » (Big Beat Records / WEA), 2010
La pierre angulaire du dubstep moderne. Cet album a été produit par Skrillex lui-même, sur son laptop. Point d’instruments acoustiques sur ce disque. Ici on entend des instruments virtuels, notamment du Massive de chez Native Instruments, et on prend plein la tête !
FRED AGAIN « Ten Days » (Atlantic), 2024
Produit par le touche-à-tout Fred Gibson (le vrai nom de Fred Again), Ten Days nous emmène en voyage sur une piste de danse légèrement mélancolique et instable. Fred Again prend un malin plaisir à casser les rythmes, et à insérer de nombreux vocaux enregistrés par ses amis au sein de ses morceaux. C’est d’ailleurs devenu sa signature sonore.
DAFT PUNK « Homework » (Virgin Records), 1997
Faut-il encore présenter les Daft Punk ? Cet album au son massif a été produit par le génial duo parisien. Cascades de boîte à rythmes et de synthés analogiques, les titres tapent comme il faut, mais n’oublient jamais l’aspect mélodique. « Homework » regorge de classiques qui ont marqué les musiques électroniques, comme « Around The World », « Da Funk » ou encore « Rollin’ & Scratchin’ ».